Récompenses et dépendances

Extraits du livre de Guy Corneau : Le meilleur de soi

Consommer, c'est compenser. Parmi les sensations à la mode qui sont liées aux compensations, il faut placer la consommation. Comme je le mentionnais plus haut, le shopping et les soldes apparaissent aux premiers rangs dans la liste des activités compensatoires. On pourrait en déduire que le monde de consommation dans lequel nous vivons facilite le passage de la récompense à la compensation et de la compensation à la compulsion. Il pousse à consommer jusqu'à la dépendance car le client le plus profitable qu'on puisse trouver est l'accro.

"Les actualités apportent les mauvaises nouvelles, la publicité apporte les bonnes". Ainsi s'exprimait un de mes professeurs de communication. Il soulignait le rapport qui existe entre la consommation de biens et l'angoisse d'un monde divisé qui ravive les angoisses existentielles de chacun. Consommer sert à calmer la peur. Des études ont montré, par exemple, qu'en temps de crise personnelle, les gens achètent plus.

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Qu'apportera le prochain amour ?

Cela ne vaut pas seulement du côté des biens marchands, loin de là. Par exemple, nous pensons réellement que le prochain amour nous apportera plus de satisfaction que celui que nous vivons. Nous avons la ferme conviction qu'après une période de vacances tout ira mieux. Pourtant, puisque nous ne touchons pas à la mécanique qui nous enferme, comment cela pourrait-il être ? Le mécanisme va se répéter, apportant sa part de satisfaction, pour sûr, mais pas la félicité espérée.

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Toute rupture du système nous rappelle que le besoin demeure d'une satiété plus complète. Qui ne peut se trouver sans qu'il y ait une prise de conscience et une remise en question du personnage. Il s'agit de se rendre compte que, malgré des satisfactions intenses,les plaisirs que nous nous procurons ne durent pas. A la limite, par l'excitation qu'ils nous apportent, ils nous maintiennent dans une absence d'insatisfaction mais ils ne nous contentent pas totalement.

Un exercice pratique

Si vous comprenez que les compensations sont votre manière d'entretenir le statu quo et de résister au changement, si vous saisissez qu'elles masquent le conflit destructeur qui fait rage entre le personnage et l'élan créateur, si vous touchez du doigt qu'elles vous mènent à l'autodestruction, malgré tous les "oui, mais ...." qui ont pu se lever en vous, vous entrevoyez l'essentiel. Faisons un exercice qui va vous permettre de ressentir tout cela.

Commencez par vous détendre avec quelques respirations. Puis entrez en contact avec vous-même. Observez dans quel état vous êtes sans rien vous demander de particulier. Goûtez ce contact et cette détente aussi longtemps que vous le souhaitez. Ensuite, par l'imagination, mettez-vous en présence de votre compensation favorite, encore une fois sans jugement. Visualisez le lieu, l'heure et le jour, l'atmosphère. Etes-vous seul ? ou y a-t-il des gens autour de vous ? 0soyez le plus précispossible dans votre description.

Procédons par étapes, avec sept questions. Chaque fois, laissez venir sans rien forcer. Si la phase de détente vous agace, prenez tout de suite un crayon et répondez simplement aux questions.

1. Quels sont les plaisirs immédiats offerts par votre compensation ? Pensez aux différents aspects de la question en insistant sur la nature des sensations, des émotions et des stimulations qui sont en jeu.

2. Quelles sont les conditions du déclenchement du comportement compensatoire ? Par exemple, y a-t-il une tension dans l'air, de l'ennui, ou une confrontation qui se profile à l'horizon ? Etes-vous sous le coup d'une déception ? Répondez-vous simplement à une habitude de façon mécanique ?

3. A quoi sert cette façon de compenser ? Qu'est ce qu'elle comble ? A quel besoin répond-elle ? Vous offre-t-elle une impression de sécurité ? Remplit-elle un manque ? Vous divertit-elle  dans une vie sans plaisir ? Y a-t-il des attentes qui sont en jeu ?

4. Y a-t-il des peurs qui se profilent à l'arrière-plan ? Quelles sont-elles ?

5. Quelle est l'histoire de cette compensation ? Dans quelles blessures ou dans quel manque a-t-elle pris sa source ?

6. Quels sont les désavantages sur le long terme de compenser de la sorte ?

7. Quel est le projet créateur, le goût profond ou la pratique constructive qui se trouve inhibé par le comportement compensatoire ?

Une fois l'exercice terminé, revenez à votre état de détente. Prenez du recul intérieurement et contemplez votre être avec bienveillance. Rassurez-le et dites-lui que le moment venu vous serez capable de prendre le chemin du meilleur de vous-même.

[...] Il nous faut passer en revue les besoins, les peurs et les blessures qui se tapissent dans l'ombre de nos plaisirs. Il nous faut réaliser que, si compenser offre des gratifications sur le court terme, des désavantages sérieux apparaissent souvent à long terme. Pensez à quelqu'un qui s'ouffre d'embonpoint et qui n'a pas la force de résister aux gourmandises qui le séduisent : gratification instantanée mais gain assuré de poids à plus ou moins brève échéance. Et asphyxie de la pulsion créatrice. Cet autosabotage constant mène de façon parfois insensible à l'autodestruction.

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