Conférence de Monique Fradot : nos couples nous guérissent. Tableau 3 : approcher l'utilité et la justesse de la circulation des émotions
Servons-nous donc du troisième tableau pour approcher l'utilité et la justesse de la circulation des émotions:
J'ai déjà partagé avec vous, nos trois façons d'appréhender le monde: nos sensations, nos pensées et nos émotions, toutes contenant notre esprit. Je vous ai aussi livré comment un enfant atteint la constance émotionnelle et la saine circulation de ses émotions. Une conférence, un livre, ne résumeront jamais l'expérience, l'intégration d'un concept. Je dois donc me contenter de mettre des mots sur des processus vivants, intégratifs, qui relient nos trois façons d'appréhender ce qui nous entoure ou ce que nous traversons de manière adéquate, résolutoire et juste. C'est forcément réducteur mais le tableau va aider.
Chaque émotion a une fonction. La peur indique du danger, la colère un dommage et la tristesse la perte. Seule, la joie est agréable dans le corps, lorsque la vie n'a pas perverti notre senti par un apprentissage toxique. Les trois premières émotions sont inconfortables, désagréables - voire douloureuses - mais nécessaires pour retrouver la joie. Pour chacune d'entre elles, correspond une action primitive, animale : la fuite pour la peur, donc le danger; l'agression pour la colère, donc le dommage et le repli sur soi pour le chagrin, donc la perte.
Avec la socialisation, des évolutions ont lieu : demande d'aide, de réassurance et de protection pour le danger, donc la peur. Demande de changement et/ou de réparation pour le dommage, donc la colère et de réconfort, de consolation, d'amour et d'affection pour la perte, donc le chagrin.
Nous pouvons faire un pas de plus dans la gestion de notre intérieur émotionnel face aux changements et à l'imprévisibilité constants de notre environnement avec l'acceptation profonde de la frustration ainsi que de l'interdépendance universelle. Nous accédons alors à une conscience plus élargie de la joie d'exister par l'accueil de la précarité de la vie comme une donnée universelle pour gérer le danger donc la peur – qui n'existe pas lorsque nous nous en remettons entièrement à l'énergie de vie qui nous anime.
Nous nous ouvrons aussi au pardon, à la réconciliation et à la séparation face au dommage donc à la colère qui se dissout au lieu de prendre corps, stagner ou enfler.
Enfin nous reconnaissons complètement la perte dans ce qu'elle a de régénérant pour tout notre être, nous en mesurons l'importance da manière plus incarnée. La tristesse fait place à la gratitude qui permet vraiment l'adieu et merci.
Non seulement nous avons besoin de traverser ces étapes de nombreuses fois dans notre chair, dans notre coeur, dans nos pensées pour que le processus se fasse plus léger et plus accessible, mais il est aussi nécessaire de ne pas confondre peur et détachement, colère ou encore protestation saine et revanche, chagrin et misérabilisme.
Une accumulation de peur produit la terreur qui peut donner la folie, la colère empilée aboutit à la violence qui peut ouvrir sur le meurtre et enfin le chagrin, plein à raz bord, débouche sur le désespoir qui peut faire place au suicide.
Notre société, donc nos couples, est empêtrée par un trop plein d'émotions, d'émotions mal identifiées, pas exprimées ou mal exprimées ou par une absence totale d'empathie et de repérage émotionnel.
La peur et le chagrin ont tendance, dans les familles, à être accordées aux filles en même temps qu'elles sont confondues avec impuissance, faiblesse, soumission, victimisation, docilité... tandis que la colère – et encore une fois plutôt une fausse colère, froide, violente faite de passage à l'acte, de démonstration de pouvoir, de terrorisme, de rejet... – sont dévolus aux garçons. Ce qui n'arrange pas une fois de plus la communication émotionnelle du couple, ou sa grammaire émotionnelle mal comprise.
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