POURQUOI FAIRE SIMPLE QUAND ON PEUT FAIRE COMPLIQUE

POURQUOI FAIRE SIMPLE QUAND ON PEUT FAIRE COMPLIQUE

Voici l'introduction et l'extrait d'un livre, Quand le sexe devient un problème, pour encourager les personnes souffrant de troubles sexuels à prendre en main et choisir le chemin simple. Il sera toujours temps d'analyser la cause des troubles !

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Intro

L'être humain est en quête d'une harmonie parfaite entre l'esprit et le corps... Les troubles sexuels apportent la preuve la plus évidente de la fragilité de cet équilibre, marquée par l'apparition de blocages. Cet ouvrage se consacre précisément au rééquilibrage du rapport entre l'effort de contrôle mental et l'incapacité de se laisser aller à ses sensations. Des années de travail sur les troubles sexuels dans le Centre de thérapie stratégique d'Arezzo ont permis de développer des techniques thérapeutiques, n'ayant souvent pour seul but que de débloquer ce sur quoi l'esprit s'est bloqué. La nature possède un extraordinaire potentiel : c'est son énergie qui permet de sortir « en beauté » de situations de souffrance, même les plus extrêmes. Citons Giorgio Nardone lui-même pour conclure : «Étant donné l'urgence qui existe pour les personnes souffrant de ces problèmes, chacun pourra se rendre compte que des problèmes aussi douloureux, embarrassants et persistants puissent ils être n'exigent pas obligatoirement de solutions tout aussi embarrassantes, douloureuses et prolongées dans le temps. » Voici résumée en quelques mots, l'approche de Giorgio Nardone pour qui tout problème peut trouver une résolution qui ne se fera pas dans une douleur à la mesure de sa gravité ou de son ampleur.

Une « expérimentation sexuelle » : analyse d’un cas typique

Les médecins ont tous leur maladie préférée. HENRY FIELDING

Un jeune homme de vingt-quatre ans se présenta au cabinet : il était apparemment en bonne santé et dépourvu de malformations organiques flagrantes. Cela faisait cinq ans qu’il ne parvenait plus à avoir de rapports sexuels, et cela même s’il éprouvait du désir et fréquentait des jeunes femmes d’accord pour avoir des relations avec lui.

Dans de tels cas, on procède généralement à un examen des organes internes car de nombreuses pathologies de différents organes et appareils se manifestent par une impotence.
On commença par recueillir une description large et détaillée de l’histoire du patient, en partant de sa famille, en remontant aux grands-parents et en s’arrêtant sur chaque personne faisant partie de la lignée des ascendants et des collatéraux. On reprit ensuite les étapes de développement à partir de la naissance du patient, examinant toutes les maladies attrapées depuis l’enfance et en focalisant ensuite l’attention sur l’état de santé actuel par une série de questions concernant toutes les fonctions de l’organisme (sommeil, alimentation, etc.).


On procéda ensuite aux examens physiques du patient, passant en revue tous les organes internes, l’appareil cardio-circulatoire et respiratoire, les reins, les organes abdominaux, les glandes, les organes lymphatiques. Tout était normal : aucun signe de maladie ne fut détecté au niveau général. On lui prescrivit donc des examens à faire en laboratoire (sang et urine) et avec des appareils particuliers (électrocardiogramme, radiographie du thorax), afin d’éliminer d’éventuelles maladies organiques qui auraient pu échapper à l’examen physique. Tous les résultats furent négatifs.


Le jeune homme fut alors envoyé chez un urologue, en suivant la logique médicale selon laquelle il faut évaluer l’organe sur lequel se concentre le symptôme, détecter un éventuel dysfonctionnement.


Là encore, on retraça toute l’histoire personnelle et familiale du patient, mais il s’agissait d’abord de rechercher des signes de maladie des organes de la sphère uro-génitale. Un examen local fut ensuite effectué, lequel ne révéla aucune anomalie. Pour plus de sûreté, le jeune homme fit une échographie des testicules et des canaux inguinaux ainsi qu’une échographie prostatique transrectale et un examen du liquide séminal. Aucune pathologie ne fut alors mise au jour.


L’étape suivante concernait le neurologue. En effet, de nombreuses pathologies du système nerveux peuvent s’accompagner d’une impuissance.

L’examen neurologique, minutieux et soigné, ne révéla rien de suspect. Afin d’éviter toute éventuelle surprise, le patient passa une IRM cérébrale et l’on procéda à un dosage hormonal. De fait, l’impotence peut résulter de maladies de l’hypothalamus (structure cérébrale) et de l’hypophyse (glande présente dans l’encéphale). Tout était normal.

Fort de tous ces résultats, le jeune homme retourna voir son médecin traitant qui statua, en procédant par exclusion, qu’il s’agissait d’un problème psychologique et l’envoya consulter un spécialiste.

Débuta alors le parcours complémentaire au parcours organique qui venait d’être effectué, doté du préfixe « psy » qui se révéla tout autant, sinon plus long et complexe. Le premier spécialiste rencontré proposa au patient une série de séances destinées à explorer dans le détail son trouble dans une perspective psychologique. Après quelques séances durant lesquelles on lui demanda un compte-rendu détaillé de toutes les facettes de sa vie sexuelle et affective, on procéda à des tests de personnalité qui devaient permettre de mieux déterminer l’origine du trouble. On passa ensuite à des séances ayant pour but de « mieux exprimer ses peurs et ses angoisses ». Ne constatant aucune amélioration des symptômes, on conseilla alors au patient de se tourner vers l’analyse.

Ce traitement prévoyait des séances hebdomadaires de quarante-cinq minutes pour une durée indéterminée. À la question du patient sur l’issue du traitement, l’analyste affirma que le résultat n’était pas garanti. Précisons qu’il s’agit là d’une condition commune à l’action thérapeutique laquelle, du point de vue juridique, « a une obligation de moyens et non de résultats ». Il s’agissait donc d’un contrat dans lequel le soignant assurait qu’il allait s’employer à soigner son patient avec tous les moyens mis à sa disposition, mais qu’il ne pouvait, à l’évidence, lui assurer la guérison. L’analyse devait permettre de remettre au jour
des conflits inconscients de nature incestueuse à la base du trouble. Devenus conscients, ces conflits pourraient être abordés d’une manière rationnelle et donc mieux affrontés.

Les séances commencèrent. Au début, elles se déroulaient en invitant le patient à parler librement de tout ce qui lui passait par la tête. Au fil des mois, l’analyste commença à commenter les affirmations qui avaient émergé du soliloque du patient, à les « interpréter ». Celles-ci furent reformulées afin de suggérer le fait que leur véritable nature était différente de celle qui apparaissait au patient, lequel, par définition, n’avait pas accès à son inconscient, du moins jusqu’à ce que le thérapeute lui eût expliqué la face que jusqu’à présent il ne parvenait pas à voir. Le patient apprit ainsi que son évolution mentale et émotionnelle était inachevée et qu’il était resté psychologiquement bloqué à un stade infantile. D’après ses rêves et ses associations libres, il apparaissait « évident » qu’il haïssait encore son père. Et c’était la raison pour laquelle le patient manifestait de l’hostilité à l’égard du thérapeute en lui disant que son travail était inutile puisqu’il ne voyait aucun résultat. Mais ce n’était pas tout, le patient désirait tuer son père et c’était précisément la raison pour laquelle il désirait interrompre l’analyse. En outre, il était encore secrètement amoureux de sa mère. D’ailleurs, n’est-il pas vrai qu’il existait des ressemblances entre sa mère et ses différentes petites amies ? En poursuivant l’analyse, le jeune homme « découvrit » que des scénarios sanglants occupaient son esprit : il craignait en effet que son père ne découvrît ses désirs et voilà pourquoi il montrait des réticences à exposer ses problèmes aux médecins et ses pensées au psychologue. Il craignait d’être puni et castré par son père. Cela expliquait sa réaction à la vue du sang durant son service militaire puisqu’il s’était évanoui. Pour se défendre de cette peur, le patient avait donc développé une sexualité pathologique. Inconsciemment, il était plus attiré par les hommes que par les femmes, raison pour laquelle il avait été si abasourdi par la révélation du psychanalyste. C’était là une vérité trop dangereuse pour être acceptée et de ce fait soigneusement cachée. Le choix de devenir professeur d’éducation physique et sportive était inconsciemment destiné à valider son identité sexuelle masculine. Quant à la tentative d’avoir des expériences hétérosexuelles, elle n’était rien d’autre qu’un effort pour échapper à cette dangereuse réalité. À la lumière de cette hypothèse, l’attaque de panique vécue au début du
service militaire acquit une nouvelle signification car le fait de se trouver dans un milieu uniquement masculin avait réactivé massivement ces pulsions.

Déprimé par ces révélations qui arrivaient après deux ans d’analyse, le jeune homme plongea son désespoir dans l’alcool.

Il rencontra par hasard un ami qui lui parla en bien d’un psychologue appartenant à une autre école et il alla le voir, sans le dire à son psychanalyste, dont il se sentait désormais dépendant. Il commença ainsi à apprendre une série d’exercices exigeants à faire à la maison, exercices abandonnés deux mois plus tard par fatigue et manque de motivation.

Toujours déprimé et impuissant, incertain de son identité sexuelle, dangereusement lancé sur la voie de l’addiction alcoolique, il alla consulter un médecin généraliste pour une infection respiratoire, lequel lui donna les coordonnées d’un psychiatre organiciste. Ce psychiatre mit d’abord en place une thérapie pharmacologique induisant une aversion à l’alcool, laquelle eut des résultats positifs. Il s’occupa ensuite de la dépression et de l’anxiété du patient en instaurant une thérapie polypharmacologique correspondant aux protocoles internationaux les plus récents. Il lui administra donc deux antidépresseurs différents, un stabilisant de l’humeur (antiépileptique) et deux anxiolytiques, l’un pour la journée (avec trois prises quotidiennes) et l’autre pour s’endormir. Les effets indésirables furent combattus par un autre médicament. Des prélèvements sanguins devaient être constamment effectués pour doser au mieux l’antiépileptique et gérer d’éventuelles souffrances du foie induites par ces médicaments. L’anxiété se réduisit effectivement et l’humeur s’améliora : il faut dire que le jeune homme était constamment ensommeillé et qu’il avait dû renoncer provisoirement à conduire car ses réflexes étaient ralentis. Cependant, le psychiatre lui expliqua que la thérapie durerait « seulement deux ans » et que l’on verrait ensuite comment procéder à une éventuelle
suspension du traitement.

L’impotence, elle, était toujours là.

Entre-temps, un nouveau médicament étant sorti, vanté comme un remède miraculeux contre l’impotence. Le jeune homme le prit, mais sans obtenir l’effet désiré. Selon son médecin généraliste, cela était dû à l’interaction avec son traitement, mais il valait mieux ne pas interrompre la thérapie psychopharmacologique parce que, dit-il, « la dépression est sans aucun doute bien plus terrible que l’impotence ».

Une des erreurs les plus communes est de considérer la suite d’un événement pour sa conséquence.GASTON, DUC DE LÉVIS

Quel est donc le point commun de toutes ces approches ? La recherche de la cause.

De fait, celles-ci sont basées sur le principe suivant : pour résoudre un trouble il faut d’abord en identifier la cause. Il s’agit là d’un principe sacrosaint lorsqu’il est appliqué aux maladies des organes, mais qui devient impossible à respecter dans tous les cas – particulièrement nombreux en psychothérapie – où le trouble n’a pas de base organique, mais est lié à des situations qui se constituent et perdurent en s’appuyant sur un réseau de relations causales de
type circulaire.

Ensuite, les approches qui viennent d’être décrites agissent, au moins en partie, comme des tentatives de solution dysfonctionnelles.

Les interprétations, élément essentiel de la thérapie analytique, induisent souvent des sentiments dépressifs chez le patient auquel on apprend que la racine du problème est quelque chose de difficile à digérer (comme, par exemple, un désir incestueux ou le désir de tuer son père). Nous avons rencontré de nombreux cas où nos patients étaient convaincus d’être homosexuels parce qu’il leur avait été « expliqué » par l’analyste que la cause de leur impotence était leur « véritable » nature homosexuelle, qui ne s’était jusqu’alors jamais exprimée clairement. Certains patients à qui on avait dit que l’impotence n’était qu’un symptôme d’un « complexe » sous-jacent concernant leur homosexualité ou la peur d’être castré par leur père, non seulement tombaient dans un état dépressif bien plus sérieux que celui dans lequel ils étaient en débutant la thérapie mais, surtout, ils finissaient par réaliser la prophétie de l’analyste. Ils pouvaient commencer à faire l’expérience de relations homosexuelles, se mettant à l’épreuve ou bien ils ne cessaient de ressasser ce qu’on leur avait expliqué et finissaient inévitablement par trouver une personne disposée à leur démontrer concrètement l’exactitude de ce diagnostic. Ils pouvaient aussi se mettre à haïr véritablement leur propre père qui ne leur aurait pas permis de franchir la « phase oedipienne ».

Les « devoirs à faire à la maison » donnés par le thérapeute comportemental s’étaient révélés rapidement pénibles à effectuer. Les résultats tardaient à venir, la frustration et le sentiment d’incapacité au lieu de se réduire augmentèrent alors.

Les thérapies de couples prévoient généralement une série d’exercices sexuels : on saisit aisément combien ces pratiques sont peu naturelles et comment elles risquent d’éloigner les deux partenaires déjà éprouvés par des tensions qui peuvent exister depuis longtemps.

L’approche pharmacologique peut être une source d’espoir… puis de désespoir. Souvent, on ne trouve pas le « remède miracle » et c’est alors que le médecin invite son patient à faire une psychothérapie. Les médicaments qui agissent sur l’érection présentent un aspect intéressant car ils sont efficaces. Mais, du fait même de cette efficacité, le patient peut se convaincre d’en
avoir toujours besoin, mettant ainsi en place un mécanisme de dépendance à la « pilule », lequel nécessitera donc une excellente communication entre le médecin et son patient pour en sortir.

L’approche stratégique est radicalement différente. Elle se base sur la thèse selon laquelle le problème doit être affronté ici et maintenant. On ne recherche donc pas les causes psychiques lointaines qui, si elles existent, appartiennent au passé, et ne peuvent être modifiées. L’attention est focalisée sur les mécanismes par lesquels le problème persiste dans le temps.
Dans un deuxième temps, et conformément à cette thèse, on ne tente pas d’établir un tableau complet de la situation psychique du sujet (travail qui, du reste, resterait toujours inachevé) pour partir sur la thérapie. En réalité, les soins débutent dès la première séance dans le but de provoquer un changement immédiat dans un domaine de la vie du patient. La notion qui soustend
ce parti-pris est la suivante : dans les systèmes complexes, comme le cerveau humain, tous les éléments sont interconnectés, il suffit donc d’activer un changement significatif sur un élément de la situation pour provoquer des événements en chaîne sur les autres éléments. Dans le modèle stratégique, la persistance du problème n’est pas due à quelque obscure cause inconfessable ou à quelque défaut basique présent dans l’inconscient. Au contraire, le problème persiste précisément parce que le conscient s’emploie rationnellement et en faisant usage de bon sens à mettre en oeuvre des tentatives de solution, lesquelles, bien qu’ayant
démontré leur caractère dysfonctionnel, sont ensuite perpétuées de manière rigide.

La résistance du patient – ou sa difficulté à parvenir au changement thérapeutique – ne dérive donc pas de ce qui est inconscient, mais des tentatives de solution qui lui apparaissent comme les plus rationnelles, les meilleures, les plus sensées. Cette résistance est contournée en proposant des prescriptions de comportement qui sont taillées sur mesure pour le patient et conçues au fur et à mesure pour inhiber les tentatives de solution dysfonctionnelles.

Afin de persuader le patient à mettre en oeuvre les prescriptions – basées sur une logique qui n’est pas ordinaire et qui apparaissent fort insolites –, on utilise un langage suggestif de type « hypnose sans transe ».

Une fois mises en oeuvre, ces prescriptions permettent au patient de vérifier directement et en en faisant l’expérience que ses blocages ont été surmontés. On lui enseigne ensuite à se servir du paradoxe pour résoudre de lui-même des problèmes analogues à ceux qui l’ont amené en thérapie.

L’objectif de la thérapie est pratique, concret, clairement défini dès le départ. On établit aussi la durée de la thérapie, c’est-à-dire le nombre de séances à l’issue desquelles on aura obtenu les changements définis d’un commun accord. Si ce n’est pas le cas, la thérapie est interrompue car on considère que, si un remède est efficace, il doit fonctionner immédiatement.

Pour aller plus loin

- BIBLIO :

Nardone, 2015 –, Dépasser les limites de la peur. Comprendre la
peur pathologique pour mieux la surmonter, traduit de l’italien par
M. Kastner-Uomini, Enrick B. Éditions, 2015.

Nardone et al., 2018 –, Giannotti E., Rocchi R., Conflits de famille,
traduction de l’italien par H. Vassine, Enrick B. Éditions, 2018.

Watzlawick-Nardone, 2015 –, Nardone G., Stratégie de la thérapie
brève, traduit de l’italien par L. Aubert, Points Essais, Seuil, 2015.

CORRIGE-MOI SI JE ME TROMPE
Stratégies de communication pour dénouer les conflits de couple. Nardone Giorgio

- Eric Berne : Echarde ou structure de personnalité ?